Communiqué
Le 22 août 2025 à Cuy Saint Fiacre
Smoke, c’est l’histoire d’un drame qui en dit long sur la face cachée de la « protection animale ». C’est l’histoire d’un Berger hollandais de 4 ans, euthanasié mardi 19 août, par la SPA (Société Protectrice des Animaux) alors qu’il se trouvait au refuge de Flayosc, dans le Var. Jugé trop dangereux, le chien a été mis à mort après une morsure de trop, et ce, malgré la mobilisation des bénévoles du refuge et du grand public, dont 75 000 signataires d’une pétition pour le sauver. L’association AVA (Agir pour la Vie Animale) avait pourtant proposé son aide pour tenter de lui éviter la mort.
Revenons sur les faits
Abandonné dans un aéroport, Smoke avait été recueilli par la SPA de Flayosc puis adopté. Mais après avoir mordu à deux reprises dans sa famille, il a été ramené au refuge. C’est là qu’il a commis l’irréparable, mordant le bénévole qui était en train de jouer avec lui. Évalué à 4/4 sur l’échelle de dangerosité par un vétérinaire, Smoke a été jugé trop imprévisible, à la fois capable d’une grande affection et de comportements dangereux que rien ne permettrait d’anticiper. Devenu inadoptable, il est donc passé en commission « chiens difficiles », une réunion d’une douzaine de personnes, internes et externes à la SPA, qui décident collectivement du sort de l’animal. C’est l’euthanasie qui a été prononcée.
Smoke aurait dû recevoir l’injection létale une première fois, mais les bénévoles du refuge s’y étaient fermement opposés, empêchant le vétérinaire d’intervenir. Dans le couloir de la mort, Smoke a vu son sort suspendu le temps que le jour de sa mort soit redéterminé. Dans cet intervalle, l’Association AVA (Agir pour la Vie Animale), a quant à elle proposé à la SPA d’étudier la possibilité d’accueil de Smoke au sein de son refuge-sanctuaire. Thierry Bedossa, docteur vétérinaire comportementaliste et Président fondateur d’AVA, a été membre élu au conseil d’administration de la SPA de 2019 à 2023. Elisa Gorins, Directrice générale d’AVA, a y a également siégé pendant deux ans, et a fait partie de la commission « chiens difficiles » de la SPA, avant de démissionner en 2024.
« Pour avoir été membre de cette commission, je suis bien placée pour savoir que tout n’est pas blanc ou tout noir. La commission étudie des dossiers complexes où il n’y a aucune réponse évidente sur le sort d’un animal. On ne peut donc pas dire, comme on a pu le lire, que ce chien a été euthanasié pour excès de câlins, c’est un raccourci ridicule. Il faut voir les choses de manière pragmatique plutôt que dans l’émotion », explique Elisa Gorins. « Cette commission a le mérite d’exister et elle a permis de sauver la vie de plusieurs chiens, j’en suis témoin, grâce à l’investissement extraordinaire de certaines personnes. Malheureusement, il arrive parfois que l’euthanasie soit votée, quand il n’y a plus de solution alternative envisagée. »
Dans le cas de Smoke, ce qui pose problème, est que d’autres solutions étaient encore possibles. « A AVA, nous avons appris l’histoire de Smoke grâce à des sympathisants qui nous demandaient d’intervenir pour lui éviter l’euthanasie. Le 8 août, j’ai moi-même contacté le Président et le Directeur général de la SPA pour leur proposer d’étudier la possibilité de l’accueillir. Je n’ai pas promis qu’on le ferait, mais j’ai ouvert la porte, sous réserve que les conditions de vie dans notre sanctuaire soient favorables aux besoins de ce chien ».
Mais le Président de la SPA, Jacques-Charles Fombonne, n’a même pas daigné répondre à cette main tendue, justifiant dans les médias qu’il n’était pas favorable aux « sanctuaires », source, à ses yeux, de « maltraitance » (source : Vakita).
Non, faire sanctuaire, ce n’est pas maltraiter
Contrairement aux allégations de M. Fombonne, AVA peut offrir à des chiens devenus « indésirables », comme Smoke, un lieu de vie conforme à leurs besoins, leur vécu, et leurs particularités comportementales. Créé en 1986, sa ferme-refuge-sanctuaire a permis de sauver la vie de plusieurs milliers de chiens en 40 ans, notamment depuis que le Dr Bedossa en a repris les rênes, en 2003.
« Notre critère d’acceptation d’un chien à AVA, qu’il soit dangereux ou pas, est relatif à la notion de qualité de vie : est-ce qu’on va être capable de donner de la qualité de vie à ce chien ? Est-ce qu’on lui rend service en l’accueillant ? », explique Elisa Gorins. « Nous avons eu de très nombreux chiens évalués 4/4 qui se sont métamorphosés au sanctuaire, dès lors qu’on a pris le temps de les comprendre et de les accepter tels qu’ils étaient, sans chercher à les changer, à les rééduquer, ou à les contraindre. En leur donnant de la qualité de vie, avec un environnement favorable et du personnel expérimenté et bienveillant, ils se sont apaisés d’eux-mêmes et ont vécu très vieux dans de bonnes conditions. C’est possible, mais c’est une vision totalement opposée à celle de la SPA dont la mission est de faire adopter le plus d’animaux possible le plus vite possible. Garder un chien des années dans un box de 9 mètres carrés, oui on peut considérer que c’est de la maltraitance, mais le garder dans les conditions d’un sanctuaire adapté où on prend en compte les spécificités de chaque individu, ce n’est pas le cas. »
L’arbre qui cache la forêt
L’histoire de Smoke est révélatrice d’un problème qui touche l’écrasante majorité des refuges en France, qu’ils appartiennent ou non à la SPA. Des euthanasies non médicalement justifiées y sont pratiquées couramment, avec le consentement et la complicité des vétérinaires, en toute
impunité et dans l’indifférence générale. « Depuis une instruction technique de 2017, il n’y a plus eu, à ma connaissance, le moindre recensement des euthanasies pratiquées par les fourrières et les refuges. Les derniers chiffres à notre disposition nous font savoir que 6% des chiens et 10% des chats de refuge sont euthanasiés chaque année. Sans parler des fourrières, où c’est encore pire.
Cette opacité sur ce sujet tabou qu’est l’euthanasie est un vrai problème car c’est un manque de transparence vis-à-vis des donateurs et de la société en général. On en voit le résultat aujourd’hui : les donateurs de la SPA tombent des nues car ils pensaient que la SPA n’euthanasiait plus. Même si c’est moins pire qu’auparavant, cela reste faux, et c’est Smoke qui a permis de révéler cette triste vérité », poursuit Elisa Gorins, qui rappelle que « des cas comme Smoke, il y en a des milliers, à la SPA et ailleurs. »
Faire un choix éclairé
Aujourd’hui, il y a de plus en plus de chiens dits « difficiles » dont le séjour en refuge est de plus en plus long. Ces profils sont moins évidents à faire adopter et nécessitent parfois plus d’expertise de la part du personnel. « On ne peut pas confier ces chiens à n’importe qui, et encore moins les mettre entre les mains de bénévoles inexpérimentés. Smoke n’aurait jamais dû être sous la responsabilité d’un bénévole sachant qu’il avait déjà mordu », s’insurge Elisa Gorins. « On a d’un côté, un chien potentiellement dangereux, avec un passif et possiblement de mauvais apprentissages, ainsi qu’une génétique potentiellement à l’origine de sa réactivité contextuelle. Et d’un autre côté, on place ce chien dans une famille qui avoue elle-même avoir mis ses mains dans la gamelle, puis on le confie à un bénévole… et on s’étonne qu’il y ait eu des accidents. Cela n’a aucun sens ! Le chien paie de sa vie à la fois pour ce qu’il est, pour ce qu’on a fait de lui, et pour des erreurs humaines. »
Pour gérer des cas comme celui de Smoke, la SPA (et autres associations) a trois options
(cumulables) :
-Ouvrir ses propres sanctuaires. « La SPA est la plus grosse association de protection animale en France, c’est celle qui a le plus de moyens. Qu’elle n’ouvre pas de sanctuaires est une erreur », estime le Dr vétérinaire Thierry Bedossa. « Quant à dire que placer un chien en sanctuaire, c’est de la maltraitance, c’est une erreur d’appréciation majeure ».
-Sanctuariser une partie de ses refuges actuels, par exemple en réservant 10 à 20% de ses capacités d’accueil à des chiens plus compliqués potentiellement inadoptables (ce qui est déjà le cas dans certains refuges), mais à condition que le mode d’hébergement et de prise en charge soient adaptés.
-Nouer des partenariats avec d’autres associations ou structures privées capables de prendre en charge ces profils. « Mais dans ce cas, la SPA ne soit pas se contenter de se débarrasser des chiens dont elle ne veut plus, elle doit accompagner financièrement ses partenaires sur le long terme », recommande Elisa Gorins.
Le principe de responsabilité
Toujours dans les médias, le Président Fombonne a mis en avant le principe de « responsabilité » et de précaution : « J’ai été harcelé, par des soi-disant spécialistes. Mais moi, j’ai une responsabilité morale, je ne veux pas donner ce chien, pour qu’un jour peut-être, il dévore quelqu’un. » Cependant, dans un sanctuaire capable de circonscrire la dangerosité potentielle et contextuelle avec une bonne prise en charge, Smoke n’aurait dévoré personne…
Ce Berger hollandais n’aurait pas été le premier ni le dernier chien évalué 4/4 accueilli par AVA. « D’autres associations font régulièrement le choix de nous demander d’accueillir leurs protégés inadoptables, quitte à traverser la France pour leur permettre d’échapper à la mort, et nous saluons cette démarche », encourage Elisa Gorins. « Puisse le sort de Smoke inciter la SPA à évoluer plus favorablement en faveur des chiens « difficiles », dans le respect de ses statuts et de ses précieux soutiens. »