Nous vous proposons de mener avec nous une réflexion sur le consentement chez les animaux de compagnie dans le processus d’adoption. Un sujet tabou, même assez polémique, qui est rarement abordé. Pourtant, si tout le monde était davantage sensibilisé à cette notion de « consentement », alors peut-être que de nombreuses situations dramatiques pourraient être évités.
Lors du prochain congrès Pet Revolution auquel nous participerons, notre directrice générale, Elisa Gorins, proposera une conférence sur cette thématique. En voici un aperçu.
En France, toutes les associations qui recueillent des chiens et des chats militent ardemment contre l’abandon et en faveur l’adoption. Mais est-ce que l’animal, lui, consent à être adopté ? On part du principe que oui, l’animal veut être adopté. On part du principe que la place d’un animal de compagnie est dans un foyer. On part du principe que le chien ou le chat doit avoir une famille. Mais est-ce vrai ?
Il faut déjà penser à l’histoire évolutive du chien et du chat et à l’histoire de la domestication.
Comprendre ces aspects-là est fondamental pour aborder la question du consentement. Car le consentement, qu’est-ce que c’est ? C’est l’« Action de donner son accord à une action, à un projet ; acquiescement, approbation, assentiment » d’après le Larousse.
Mais comment pourrait-on savoir si un animal consent à quelque chose, et en l’occurrence à son adoption, alors qu’il ne parle pas, qu’il ne dit pas oui, qu’il ne dit pas non ? Évidemment, un chien ou un chat ne pourra jamais vous dire « ok, je veux bien que tu m’adoptes », ou « non hors de question d’aller chez toi ».
Bien sûr, il y a le moment de la rencontre, qui est important, mais qui n’est pour autant un moyen d’obtenir un consentement de la part du chien ou du chat. Le moment de la rencontre va surtout permettre à l’humain de faire connaissance avec l’animal, et d’affirmer ou non son choix de l’adopter. Mais l’animal, lui, ne sait rien de vos intentions. Il ne peut pas savoir que parce que Mme ou M. X vient le voir dans un refuge, sa vie va potentiellement prendre un nouveau tournant. Ça, c’est seulement une projection humaine dont l’animal est incapable. Ce n’est donc pas parce qu’un chien vous saute dans les bras au premier regard qu’il « consent » à être adopté ou qu’il vous a choisi, comme on l’entend parfois. A contrario, ce n’est pas parce qu’un chat se cache et n’interagit pas avec vous qu’il refuse que vous l’adoptiez. Attendre d’un animal qu’il « consente » à son adoption lors de la rencontre est donc tout simplement impossible.
La personne responsable est autant la personne qui adopte que celle qui fait adopter l’animal. C’est de cette rencontre entre un humain qui cherche à placer un animal, et un humain qui cherche à adopter un animal, que va naître la question du consentement de l’animal.
Le meilleur moyen de s’assurer que l’animal est susceptible de consentir à une adoption est d’être en mesure d’évaluer cette compatibilité. Pour cela, l’échange entre celui qui fait adopter l’animal et celui qui va l’adopter, est fondamental.
On parle communément de 100 000 abandons par an en France. C’est un chiffre « marketing », un beau gros chiffre rond, qui permet de dire que la France est championne d’Europe de l’abandon. En réalité, on n’en sait rien du tout car il n’y a pas de statistiques officielles.
Le chiffre de l’adoption, on ne le connaît pas davantage.
Certaines associations cèdent à la pression du chiffre : on doit faire adopter le plus vite possible pour libérer la place pour un autre animal. On doit aller vite, pour ne pas bloquer un box. Par conséquent, on ne prend pas le temps d’évaluer la compatibilité, on ne prend pas le temps de penser au consentement de l’animal…
Certaines associations ont également une pression financière : l’adoption rapporte de l’argent. Donc plus on fait adopter d’animaux, plus l’association a d’argent.
Ces formes de pression sont totalement contraires à la notion de consentement chez l’animal. Elles sont parfois contreproductives et dangereuses car elles peuvent engendrer de mauvaises adoptions, des retours des animaux adoptés, des accidents (morsures), et parfois même dans le pire des cas, une euthanasie.
Cela soulève la question des chiens dits « difficiles », mais aussi des chats dits « sauvages », en bref c’est la question des animaux jugés inadoptables : nous avons de nombreux cas de ce type au refuge AVA, c’est d’ailleurs ce qui fait notre particularité.
Nous avons par exemple le cas de Loulou, qui hélas, vient d’être emporté par le cancer. Il avait été été adopté 7 fois et abandonné 7 fois avant d’arriver dans notre sanctuaire, en raison de protection de ressources. Au refuge, il n’a jamais présenté la moindre agressivité. A travers toutes ces tentatives d’adoption, on a placé Loulou dans des situations anxiogènes pour lui et dangereuses pour les humains. Y consentait-il vraiment ? Ne se sentait-il pas mieux au refuge qu’au sein de foyers où il était perpétuellement contrarié ?
L’agressivité d’un animal dans son foyer est une manifestation de non consentement. Ce n’est pas qu’une question d’éducation (et souvent, les éducateurs canins n’y peuvent rien), mais l’expression d’un refus de quelque chose qu’il n’accepte pas ou qu’il n’accepte plus. C’est un trait d’un tempérament, et non un manque d’éducation.
L’alternative est de pouvoir l’héberger durablement dans un environnement sécurisé où les situations de dangerosité potentielle sont limitées. Ainsi, on ne génère chez lui aucun stress, aucune contrariété, aucune frustration, et donc aucune agression. C’est ce que nous proposons au refuge AVA.
Parlons également des associations qui, pensant bien faire, engendrent des situations très problématiques : c’est notamment le cas des associations qui importent des animaux de l’étranger et les font adopter immédiatement, sur photo, sans même le moindre passage de l’animal en famille d’accueil.
Cela peut avoir des conséquences terribles, car ce sont souvent des animaux qui étaient libres et errants, à qui on va imposer une vie d’animal de compagnie dans un pays occidental, ce pour quoi ils ne sont pas faits. Parfois, heureusement, tout se passe très bien. Mais parfois, les conséquences sont dramatiques : l’animal ne s’habitue pas à la captivité, reste très craintif, devient agressif, et ne répond pas à ce qu’on attend de lui en tant que chien de compagnie (c’est typiquement le cas de nombreux chiens roumains mais pas seulement). Là, nous sommes dans une situation de non consentement de l’animal. On l’a retiré de la rue, souvent en pensant bien faire, on l’a fait voyager, et maintenant on lui impose un mode de vie qui ne lui correspond pas. Évidemment, trop souvent quand on s’en rend compte, c’est déjà trop tard : l’animal n’est pas bien, le foyer n’est pas bien, et l’association, elle, répond aux abonnés absents.
Là où la démarche était supposée bienveillante, elle devient finalement catastrophique pour l’animal et tellement décevante pour l’adoptant. Les conséquences sont sans appel : abandon, voire euthanasie.
Ces situations surviennent aussi ici en France avec des animaux nés libres. C’est le cas des chats en particulier. C’est l’exemple type du « j’ai trouvé un chat dans la rue, je vous l’amène parce que le pauvre, il est tout maigre ». C’est une situation que nous rencontrons régulièrement à AVA. Pourtant, un chat de la rue n’est pas forcément un chat malheureux. Un chat peut vivre dans la rue. Sa vie est plus dure, sa vie est plus courte, mais c’est sa vie. L’extraire de son environnement, aussi rude soit-il, pour lui imposer une vie en captivité, enfermé dans un appartement, avec une promiscuité humaine dont il ne veut peut-être pas, c’est prendre le risque de le mettre dans un état de mal-être dramatique. Bien sûr, tout peut bien se passer. Mais pas toujours, loin de là. Certains chats libres n’acceptent jamais à la vie en captivité, même lorsqu’ils y ont été habitués depuis le plus jeune âge.
Il ne s’agit pas ici de faire des généralités, mais de soulever des réalités concrètes que nous, à l’association AVA, rencontrons tous les jours et qui pourraient être évitées si les adoptants étaient davantage sensibilisés à cette notion de consentement.
Quelques exemples :
Il est très difficile d’accepter cette idée selon laquelle on peut aimer son animal de tout son cœur, mais que l’animal, lui, a besoin d’autre chose. Accepter cette idée, et vouloir offrir un nouvel environnement à son animal, ce n’est pas l’abandonner, c’est au contraire un geste d’amour.
La question des saisies judiciaires est aussi intéressante : hormis les situations de cruauté, est-ce qu’on se pose vraiment la question de savoir si l’animal consent à être retiré à son propriétaire ? On évalue parfois que l’animal vit dans de mauvaises conditions donc on le retire de son lieu de vie, et là encore, c’est une démarche bienveillante. Mais retirer un animal de son foyer pour le mettre derrière les barreaux d’un box de refuge, est-ce lui rendre service ? est-ce qu’il y consent vraiment ?
D’ailleurs, les associations qui croient sauver un animal de la maltraitance mais qui n’ont aucune solution pour lui derrière ne se posent pas la question du consentement, hélas. Mais peut-on réellement dire qu’on sauve un animal quand on n’a pas pris la peine, en amont, de chercher une solution d’hébergement compatible avec ses besoins individuels ? Quand on se retrouve avec un animal sur les bras qu’on croit avoir sauvé mais dont on ne sait pas quoi faire, ce n’est pas lui rendre service et ce n’est surtout pas se poser la question de son consentement.
Le discours actuel d’adoption responsable, c’est bien mais ce n’est pas suffisant.
Ce n’est pas seulement ça, l’adoption responsable.
Dans le cadre d’une adoption, on sous-estime 3 choses : le contexte, la personnalité de l’animal, et le lien qu’il peut avoir avec un ou plusieurs humain(s).
Tous ceux qui sont en position de céder un animal, que ce soit éleveur, agent de refuge, animalier etc, tout le monde devrait avoir cette sensibilisation à la notion de consentement. Parce qu’il ne s’agit pas de faire du commerce avec le vivant, mais de contribuer à la construction d’un foyer dont un nouveau membre, non humain, fera partie.
Quelques éléments importants :
Tous les éléments cités ne sont pas de bons conseillers si on souhaite réaliser une adoption responsable.
Pour conclure, ne peut parler de réelle « adoption responsable » que lorsque l’animal y consent. Et pour savoir s’il y consent ou non, la personne la plus qualifiée pour le déterminer, c’est la personne qui la cède (éleveur, personnel de refuge, particulier etc) en parfaite coordination avec ce que lui dit la personne adoptante. La démarche d’adoption responsable et consentie par l’animal ne peut donc se faire que s’il y a cession responsable.