Pacha est un Beauceron de 4 ans qui nous a été confié il y a 2 ans en raison de comportements agressifs dans son ancien foyer. C’est un chien qui a eu un parcours difficile dès son plus jeune âge : il a déjà connu 2 familles, un accident de voiture lorsqu’il avait 6 mois, qui lui a occasionné des fractures des pattes arrière et une convalescence compliquée. Il a, en outre, été éduquée de manière coercitive.
Pacha garde de lourds stigmates de son passé : il ne supporte pas la manipulation et peut s’avérer agressif dans certains contextes. Nous l’avons sauvé de l’euthanasie.
Depuis deux ans, et en particulier ces derniers mois, nous mettons tout en œuvre pour améliorer sa qualité de vie. L’an dernier, après avoir participé à la formation Rééducation de chiens, dispensée par Sonia Kischkewitz (formatrice du centre Animal University dont nous sommes partenaire) à la ferme-refuge AVA, Pacha a fait l’objet de notre plus vive attention. Nous avons fait appel à Séverine Belkhir, éthologiste, pour nous aider à optimiser le quotidien de nos animaux et à former nos soigneurs à une bonne compréhension des comportements canins. Pacha est l’un des chiens pour lesquels Séverine et nos soigneuses s’investissent énormément.
Car, nous en sommes convaincus, Pacha n’est ni « méchant », ni « dangereux ». Il a seulement vécu des traumatismes qui l’ont brisé. Malgré son passé et ses morsures répétées par le passé, nous croyons fort en lui et à sa capacité à nous accorder sa confiance.
A AVA, nous ne rééduquons pas les chiens. Nous ne les « réhabilitons » pas. Nous ne les conditionnons pas à une vie de « chiens de compagnie » pour les rendre adoptables. Nous ne demandons pas aux chiens de s’adapter à nous ; c’est nous qui nous adaptons à eux. Si un chien ne veut pas de contact, nous le respectons. Si un chien ne veut pas interagir avec nous, nous l’acceptons. Nous lui apportons simplement ce dont il a besoin, sommes attentifs à ce qu’il exprime, et ajustons notre approche en fonction de son individualité.
Une confiance mutuelle
Petit-à-petit, Pacha a accordé sa confiance à Sandra, l’une de nos soigneuses. Tout en douceur, avec beaucoup de patience, et sous la supervision de Séverine Belkhir, Sandra a pu renforcer son lien avec lui. Réciproquement, nous aussi, nous avons appris à faire confiance à Pacha et à ne pas le craindre, car tous les chiens ressentent notre anxiété. A défaut de pouvoir le promener (car il était impossible de lui mettre un collier et une laisse), nous lui avons donné accès à nos « couloirs de circulation », qui sont de grands couloirs de verdure et de liberté attenants aux enclos de nos chiens. Sans laisse et en sécurité dans ces espaces, Pacha a pu retrouver le plaisir de s’ébattre, de courir, de flairer de multiples odeurs, et d’interagir avec d’autres chiens, séparés par un grillage.
En plein cœur du mois d’août, alors qu’il s’agit de la saison la plus difficile au refuge, le lien entre Pacha et Sandra était si fort que des interactions physiques entre eux ont pu avoir lieu. Progressivement, Sandra a réussi à le caresser, y compris dans la zone du cou, là où Pacha était le plus sensible. Une vraie prouesse pour ce chien qu’on ne pouvait pas toucher ! Leurs états de plaisir, à tous les deux, dans ces moments complices, étaient vraiment palpables. Etablir un lien avec nos protégés, c’est vraiment ce qui fait l’ADN d’AVA.
C’est en confiance que nous avons décidée, d’un commun accord avec Séverine Belkhir et Sandra, qu’il était temps d’essayer de proposer à Pacha une balade en longe. Restait à savoir s’il accepterait que la personne en laquelle il avait le plus confiance, Sandra, lui mette un collier…
Malheureusement, tout ne s’est pas prévu comme nous l’avions espéré. A la seule vue du collier, sans même que Sandra essaie de le lui mettre (toujours en présence de notre éthologiste), Pacha a mordu sans prévenir. Une preuve de plus du réel traumatisme dont il souffre…
Nous n’insisterons plus. Sandra ne lui en veut pas, et la confiance entre eux n’est pas rompue. Aussitôt après avoir désinfecté sa plaie, Sandra est retournée le voir et tous les deux ont fait comme si de rien n’était, afin de ne pas rester sur une mauvaise expérience.
Bien sûr, la blessure est surtout dans le cœur de Sandra. Il n’est jamais facile d’accepter qu’un chien qu’on aime comme le sien et auquel on a tant cru, puisse nous faire du mal.
Dans d’autres associations, Pacha aurait sans nul doute été euthanasié à la suite de cet incident. Chez nous, il n’en est évidemment pas question. Pacha continuera à bénéficier de nos soins, de nos attentions et de notre amour jusqu’à la fin de sa vie. Nous respectons et aimons chaque animal-individu pour ce qu’il est, et non pour ce qu’on voudrait qu’il soit ou pour ce qu’on attendrait de lui.
