Voilà près de 70 000 ans, l’Homo sapiens, version la plus élaborée du genre Homo, en d’autres termes l’Homme moderne, faisait son apparition sur terre. S’il existe de nombreuses théories élaborées à travers l’histoire pour expliquer le succès de notre espèce, les scientifiques et historiens s’accordent tous sur un point : notre langage, complexe et précis, en serait l’une des raisons. Pourtant une étude récente pourrait changer notre perception du sujet, ainsi que notre regard sur les animaux qui vivent à nos côtés. En effet, les chiens seraient capables de comprendre les nuances de notre langage, et plus précisément l’existence de différentes langues. Au-delà de son langage canin, votre chien serait-il polyglotte ? Penchons-nous ensemble sur le protocole et les résultats de cette fascinante découverte.
La genèse de cette étude est en beaucoup d’entre nous. Souvent, à la veille d’un départ à l’étranger nous nous demandons si notre chien serait capable de comprendre que les gens qui l’entourent ne parlent plus la même langue que la veille. C’est également ce que s’est demandé Laura V. Cuaya, une chercheuse mexicaine expatriée à Budapest, à son arrivée en Hongrie. Pour se faire, Cuaya et son équipe ont d’abord cherché à découvrir si les chiens étaient capables de discerner la frontière entre le verbal et le non verbal, en soumettant 18 chiens à des extraits non brouillés puis brouillés d’une lecture du célèbre livre « Le petit prince ». Durant la diffusion de ces lectures, l’activité cérébrale des chiens était surveillée à l’aide d’électrodes et de capteurs placés sur différentes zones clés de leur crâne. Ainsi, il a pu être observé une différence très claire lors des deux diffusions, confirmant la première hypothèse : les chiens différencient ce qui est un mot, et ce qui ne l’est pas.
Lors de la seconde étape de l’étude, les chiens ont été confrontés au même extrait, mais cette fois dans la langue de leurs propriétaires, puis dans une langue qui leur est inconnue. Une fois de plus, le cortex auditif des chiens a adopté une activation différente lors des deux diffusions : autrement dit, les sujets ont « perçu » la différence de langue.
Selon le rapport de l’équipe, ce phénomène s’explique par la variation des sonorités propres à chaque langue, que les chiens sont capables de capter avec plus de finesse et de précisions que les humains. Laura Cuaya précise que c’est la première fois qu’il est démontré qu’un cerveau non humain est capable d’une telle performance !
En lisant ces quelques lignes, vous pensez surement à vos expériences personnelles allant dans le sens de ces résultats. Par les lignes qui vont suivre je souhaiterai, soulever une autre question, se basant sur mes observations: s’il est admis que les chiens sont capables de distinguer les nuances entre plusieurs langues, sont-ils capables de comprendre plusieurs langues ?
Mon chien Don et moi avons eu la chance de beaucoup voyager, et de vivre dans 3 pays différents au long de cette aventure. Ainsi, mon quotidien est partagé entre conversations en Français, en anglais, ainsi qu’en hébreux. Souvent une question revient : « en quelle langue tu lui parles du coup ? ». Et la réponse peut surprendre : un peu de tout. En réalité, cela dépend beaucoup de mon environnement, et de la langue que j’utilise a l’instant T avec mes interlocuteurs, afin qu’ils soient en mesure de comprendre eux aussi les signaux que j’envoie à mon fidèle compagnon. De manière assez surprenante, ce dernier réalise les actions, s’asseoir ou me ramener la balle par exemple, de la même manière, qu’importe la langue que j’emploie. Est-ce suffisant pour décider qu’il « parle » 3 langues différentes ? Hélas, bien que je veuille y croire, je ne suis pas en mesure aujourd’hui d’y répondre, mais j’espère que dans un futur proche, d’autres équipes continueront à explorer les immenses capacités intellectuelles des animaux qui partagent notre quotidien, et que ces découvertes influenceront positivement notre comportement envers eux. Pas si « bêtes », n’est-ce pas ?
Sarah Jeannin, psychologue clinicienne et Docteur en Ethologie, de compléter : « J’ajouterai que les recherches en éthologie ont en effet montré que non seulement les chiens sont sensibles aux intonations mais également aux mots qu’on emploie. En effet, les chiens présentent une plus forte activation neuronale à l’écoute d’une intonation positive versus neutre. Ce qui corrobore ce que j’avais montré au cours de ma thèse de doctorat, à savoir que les chiens sont plus attentifs lorsqu’on s’adresse à eux en utilisant un discours similaire au « baby-talk » avec une voix aigüe et modulée. Mais ils sont aussi sensibles à la sémantique, c’est-à-dire le sens des mots : par exemple, seule la combinaison de mots familiers prononcés avec une intonation positive active le système de la récompense dans le cerveau des chiens. L’intonation positive combinés à des mots inconnus ne déclenche pas ce système. Ce qui montre que contrairement à certaines idées reçues, les chiens prêtent attention à la fois ce que nous disons et à la façon dont nous le disons. »
Bryan Meguira
Passionné d’animaux et de comportement depuis ma plus tendre enfance, j’ai d’abord été éducateur canin, diplômé par l’académie Marker Training de Tel Aviv, avant de me tourner vers la médecine vétérinaire. Je suis désormais étudiant en 4eme année à l’Université de Médecine Vétérinaire de Bucarest- FMVB. Je suis également rédacteur en Chef pour le premier journal étudiant de la faculté- The Campus. Vous pouvez nous retrouver sur notre Instagram officiel : @TheCampus.Vet.